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André Fossion

« Voir Dieu en toutes choses », c’est pour le témoin reconnaître l’amour de Dieu à l’œuvre dans le monde. C’est reconnaître, dans le concret de l’existence, Dieu qui engendre à sa vie, aime, relève, sauve, invite tout un chacun à devenir lui-même.
Aujourd’hui, à cet égard, dans le monde sécularisé qui est le nôtre, n’aurions-nous pas à aiguiser notre regard pour y reconnaître l’Esprit de Dieu « qui pénètre toute chose » ? Dans la culture actuelle où Dieu n’est ni évident à l’intelligence ni nécessaire pour vivre, n’aurions-nous pas à y reconnaître la grandeur de Dieu qui, dans sa générosité, ne s’est pas rendu nécessaire à l’homme pour qu’il vive une vie sensée, joyeuse et généreuse et soit engendré à sa vie ?
 En d’autres termes, dans un monde qui se passe de Dieu, nous avons à l’y voir en discernant dans sa non-évidence, dans sa non-nécessité la trace même d’un Dieu qui donne la vie gratuitement en s’effaçant, en se retirant dans la discrétion. La foi chrétienne, en effet, ne nous a-t-elle pas appris à reconnaître Dieu dans sa kénose ? Ainsi avons-nous à reconnaître l’œuvre de Dieu dans le monde de l’incroyance et des sagesses là où il naît d’un vrai dialogue et d’une interrogation  authentique. Ce monde, en d’autres termes, dit quelque chose de la grâce de Dieu qui engendre et sauve tout en s’effaçant.
 L’incroyance n’est pas de soi le fruit d’un péché qui obscurcit la conscience. La non-évidence de la foi ainsi que la possibilité de vivre sans elle laissent voir l’infini de l’amour de Dieu qui donne sans compter, sans retour obligé. C’est de cet infini de l’amour de Dieu et de l’espérance nouvelle qu’il ouvre pour le monde dont nous sommes les témoins…

Voyant Dieu à l’œuvre en toutes choses, en vertu de la générosité de son amour, il nous paraît particulièrement important, dans le monde sécularisé et pluraliste d’aujourd’hui, de souligner combien notre foi chrétienne nous conduit à reconnaître, sans détour, qu’elle n’est pas un passage obligé pour être engendré à la vie de Dieu et être sauvé.
Dans un contexte bien différent, certes, nous pouvons dire aujourd’hui avec Pierre à l’assemblée de Jérusalem : « Qui sommes-nous pour pouvoir empêcher Dieu d’agir » (Ac 11,17). Nous sommes témoins du salut, mais nous ne pouvons en mesurer l’étendue. Nous ne sommes pas en droit de le limiter.
A la fin de l’exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi , Paul VI écrit ceci : « Il ne serait pas inutile que chaque chrétien et chaque évangélisateur approfondisse dans la prière cette pensée : les hommes pourront se sauver aussi par d’autres chemins, grâce à la miséricorde de Dieu, même si nous ne leur annonçons pas l’Évangile » (§80).

Grâce à Dieu, en raison de sa générosité, il y a d’autres voies d’engendrement à la vie de Dieu que la foi chrétienne. Bien sûr, comme chrétiens, nous pouvons dire que la grâce de Dieu pour le monde se manifeste et est agissante dans l’Église et par ses sacrements, mais il nous faut aussi tenir cette autre affirmation de Gaudium et Spes, reprise dans le Catéchisme de l’Église Catholique qui dit ceci : « Puisque le Christ est mort pour tous, et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé(s) au mystère pascal. » ...