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Un double préalable s’impose à toute réflexion sur la présence de la violence dans la Bible.
Le premier consiste à prendre des distances vis-à-vis d’une conception naïve de l’inspiration selon laquelle « ce que les auteurs humains veulent affirmer (…) est affirmé et garanti par Dieu ». Loin de moi de contester l’inspiration des Ecritures, essentielle dans la tradition chrétienne. Mais pour celle-ci, c’est en tant qu’ensemble structuré autour de la personne de Jésus – alliance nouvelle entre homme et Dieu –, que la Bible délivre authentiquement la parole de Dieu. A sa place, chaque mot, chaque phrase, chaque passage collabore à faire advenir le sens de l’ensemble et à porter la Parole. Mais cela ne signifie pas qu’il faille hypostasier chaque mot, phrase ou passage, comme s’ils étaient marqués chacun individuellement du sceau de je ne sais quelle infaillibilité. Si l’on emprunte cette voie pour penser l’inspiration, je crains bien qu’on aille droit à l’impasse, et pas seulement sur la question de la violence.
Un autre préalable me parait aussi fondamental. Il concerne le lecteur, cette fois. Il faudrait en effet se poser la question de savoir pourquoi les chrétiens éprouvent une telle réticence devant des pages qui donnent une image violente de Dieu. Ne serait-ce pas là le résultat d’une catéchèse et d’une pratique liturgique qui, présentant la Bible comme un livre édifiant, prennent soin de camoufler ses textes dérangeants ? Peut-être cela tient-il aussi à un enseignement soucieux d’inculquer un idéal de perfection morale plutôt que de confronter la personne à elle-même avec lucidité à son « humain-eté », de devenir ce qu’elle est ? Mais il faut compter sans doute aussi avec cette appréhension spontanée qu’éprouve tout humain lorsqu’il se trouve confronté à une réalité qui le renvoie à ce qu’il préférerait ne pas voir en lui-même…

André Wénin, L’homme biblique, p. 154.