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Cardinal Walter Kasper

Il est évident que la doctrine de la Trinité n’est pas une formule mathématique « surnaturelle », pour ainsi dire une sorte de table de multiplication magique. Il ne s’agit pas d’affirmer qu’un est égal à trois et qu’une même réalité, vue sous le même angle, peut être à la fois une et triple. La doctrine de la Trinité est bien plutôt une interprétation rigoureuse de la phrase tirée de la première épître de Jean qui condense tout le message du Nouveau Testament : « Dieu est Amour » (1 Jn 4)…

Si Dieu est Amour, alors son être le plus intime peut se comprendre à partir de l’analogie avec l’amour humain. Il ne s’agit cependant que d’une approche où les différences sont plus importantes que les ressemblances. En effet le propre de l’amour humain est non seulement de donner quelque chose à l’autre, mais aussi de se communiquer et de se donner soi-même. En se donnant, chacun se dépouille et se livre, tout en restant soi-même, et trouve dans l’amour son propre épanouissement. Car cela fait partie de l’amour d’être un avec l’autre sans qu’aucun des deux ne soit absorbé par l’autre ni ne fusionne avec lui. C’est en cela que consiste le mystère de l’amour : se trouver soi-même dans l’union avec l’autre et parvenir à son plein accomplissement. L’amour vrai inclut aussi la distance ; il respecte la différence et préserve la dignité de l’autre. Il accorde à l’autre la possibilité d’être lui-même et crée l’espace dans lequel il ou elle pourra se réaliser tout en étant uni à l’autre. Voilà bien le paradoxe de l’amour : être unité sans exclure la différence ni la diversité…

Dieu en tant qu’il est le Bien se définit par le fait qu’il se diffuse et se donne. En tant qu’il est amour diffusif, il est à la fois un et trine. De toute éternité Dieu a un « Aimé et un Autre-Aimé-Ensemble »…

Etant donné qu’en Dieu tout est infini, le Père ne peut communiquer sa divinité au Fils et par le Fils à l’Esprit qu’en se retirant de son infinité pour faire place à l’autre à l’intérieur de lui-même.
Cette kénose de Dieu, cette dépossession de soi-même, est également la condition nécessaire pour que Dieu, qui est infini, puisse donner naissance à la création.
L’incarnation de Dieu en Jésus-Christ et plus encore la mort de Jésus sur la croix sont le sommet inégalable de l’autorévélation de Dieu dans sa kénose trinitaire… Quand l’Ancien Testament dit que, par miséricorde, Dieu se retire et reprend sa colère pour nous offrir à nouveau un espace et une possibilité de vie, il s’agit déjà d’une préfiguration et d’une annonce de ce qui se passe à la croix de manière incomparable…